- Analogie de l’être
- Analogie de l’êtreIl en est tout autrement chez saint Thomas, qui, comme Aristote, a un sentiment très vif de la réalité des substances matérielles. Cette réclamation en faveur d’une nature solide et fixe se manifeste dans trois thèses liées ensemble, et par où il s’oppose aux augustiniens de son époque : celle de l’analogie de l’être, celle des rapports de l’essence et de l’existence et celle de la pluralité des formes.C’est à Aristote, commenté par Averroès, que saint Thomas a emprunté la théorie de l’analogie de l’être. Le mot être, avait remarqué Aristote, se dit à la fois de la substance et des accidents, mais non pas de la même manière ; l’être de la substance est l’être au sens fort ; l’être de l’accident est un être dérivé qui se dit par rapport à la substance. Entre l’être de l’un et celui de l’autre, il n’y a pas pourtant simple homonymie, mais il y a analogie ; c’est-à-dire que l’être se trouve à chaque niveau d’une manière qui est proportionnée à ce niveau. Entre l’être de Dieu et l’être de la créature, il y a une analogie de ce genre. Le mot être ne désigne ni un genre des êtres, puisque les êtres, ses espèces, le posséderaient tous également, ni une réalité qui n’aurait sa plénitude qu’en Dieu ; il est réalisé « en tous les membres de l’analogie d’une manière qui fonde un rapport de ressemblance » ; objet de l’intuition fondamentale du métaphysicien, il permet d’instituer une ontologie qui englobe toute réalité, sans être lui-même une réalité concrète, mais ce caractère par où toute réalité concrète se pose et tend à se communiquer aux autres. On voit donc comment cette ontologie justifie la réalité d’une nature ayant son être propre.
Philosophie du Moyen Age. E. Bréhier. 1949.